Thèse sous la codirection de Gilles Séraphin et Didier Breton
Mayotte est le département le plus jeune de France : en 2023, 50 % de la population a moins de 18 ans. Portée par une fécondité encore importante et des mouvements migratoires intenses, la population de cette petite île de l'océan Indien poursuit sa très forte augmentation pour atteindre 310 000 habitants en 2023. C'est 7 fois plus qu'en 1975, année de l'indépendance des trois autres îles de l'archipel des Comores, dont Mayotte fait partie d'un point de vue géographique, historique, culturel... Depuis cette date, Mayotte est administrée séparément des autres îles de son archipel, et la départementalisation du territoire en 2011 marque une étape supplémentaire dans l'intégration administrative à la France. Malgré les dimensions positives, ce nouveau statut a également provoqué d'importantes transformations sociétales, impactant considérablement les relations familiales (Blanchy, 2018). Mayotte connaît aujourd'hui une situation très difficile sur presque tous les plans, avec notamment de très fortes inégalités sociales qui touchent particulièrement les jeunes (Temporal, 2023). La présence massive de plusieurs milliers d'enfants non-scolarisés (Mathon-Cécillon & Séraphin, 2023), de mineurs non-accompagnés ou encore de jeunes en situation de grande précarité est le symptôme d'un territoire de plus en plus déstabilisé (Roinsard, 2022).
Partant de l'hypothèse que les jeunes Mahorais ne disposent pas des mêmes ressources en arrivant à la majorité, cette thèse a pour objectif d'analyser la dotation en capitaux des jeunes vivant à Mayotte, ainsi que l'articulation de ces ressources dans la construction des parcours professionnels et personnels. Outre la possession de capitaux économique, social et culturel, la proposition d'un nouveau type de capital, le capital citoyen, permettra de prendre en compte la situation civique et pénale des jeunes, mais également leur connaissance et usage des institutions par l'accès à l'éducation et aux dispositifs socio-éducatifs. Nombreux sont les jeunes du territoire à disposer de compétences qu'ils n'arrivent pas à exploiter à travers l'insertion professionnelle ou l'accès à une formation, les laissant en marge de la société à l'aube de leur vie d'adulte.
L'approfondissement de la connaissance du contexte, grâce à une revue de la littérature et à la mise en relation avec les acteurs de la jeunesse mahoraise, permet également le recensement des sources de données quantitatives existantes. Leur analyse critique déterminera leurs apports et leurs limites, ainsi que les indicateurs pertinents. Dans un second temps, une enquête par questionnaire sera menée auprès d'une cohorte de jeunes de 18 ans dont une partie sera réinterrogée au bout d'un an. Basée sur les indicateurs des capitaux et les variables portant sur les projets des jeunes de Mayotte, cette enquête permettra de mettre en lumière leur situation en arrivant à la majorité au regard de leurs parcours et compétences.