Karima Gacem
Thèse sous la direction de Gilles Séraphin, co-encadrée par Christophe Jeunesse
Ce poster présente tout d'abord les enjeux contemporains de l'accueil familial en France, en lien avec le risque de déperdition des connaissances existantes dans un champ confronté à une baisse préoccupante du nombre d'assistantes familiales et d'assistants familiaux, et à des départs massifs à la retraite dans les prochaines années. Ce capital immatériel, constitué par les compétences des professionnels, leur savoir-faire, et le métier lui-même, peut se déliter s'il n'est pas transmis et partagé pour soutenir la mémoire organisationnelle et collective. La gestion des connaissances (knowledge management) dans ce secteur est donc un défi important pour garantir la transmission des savoirs et l'apprentissage organisationnel. Ce constat, qui peut paraître abstrait et technique à première vue, pose la question des relations et des interactions entre les acteurs au sein d'une organisation dans la mesure où celles-ci sont au cœur de l'apprentissage. L'apprentissage est posé ici, à l'instar de John Dewey ou Carl Rogers à sa suite, comme ce qui permet à une personne de se développer et de mobiliser ses potentialités. Ceci suppose l'existence d'espaces (équipe, communauté de pratique) où les connaissances sont créées, partagées et construites collectivement et où la place de chacun est reconnue, condition de la requalification de la parole et des expériences professionnelles, où la voix de l'un rencontre celle de l'autre.
Or, les savoir-faire des professionnels de l'accueil familial, des professionnels du care, sont marqués par leur discrétion et leur invisibilité, de même que le travail émotionnel qui le constitue. Le discours des assistantes familiales sur leur travail est empreint d'une dimension narrative et d'une coloration émotionnelle qui spécifient un métier, une culture professionnelle, un répertoire partagé au sein d'espaces institutionnels où ce partage social et collectif des émotions, des expériences, des situations, peut avoir lieu. L'ethnographie affective est un style d'enquête qui donne de la place à ce qui compte pour les acteurs, à des connaissances incarnées dans des relations et à la possibilité d'affecter et d'être affecté, d'agir sur le monde en même temps qu'il agit sur nous. Ce que nous sommes, ce que nous devenons et le sens que nous élaborons ensemble (sensemaking) s'inscrit dans un processus dynamique d'apprentissage individuel et collectif et d'amélioration des pratiques dans une institution de protection de l'enfance.
Mots-clés : accueil familial, communauté de pratique, apprentissage organisationnel, émotions, éthiques du care
Références bibliographiques
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